Phobie scolaire

Quand l’école rend malade

Boule au ventre, sueurs froides, nausées… Les crises d’angoisse et les attaques de panique subies par les enfants victimes de phobie scolaire les empêchent de se rendre à l’école. Loin du caprice ou de la fainéantise, ce trouble d’origine multifactorielle nécessite une longue prise en charge, impliquant à la fois la famille, le corps enseignant et les professionnels de santé.

Un matin, ils ne peuvent plus : franchir les grilles de l’école, du collège ou du lycée est devenu mission impossible. Boule au ventre, sueurs froides, nausées, vomissements, palpitations, migraines : les enfants et les adolescents victimes de phobie scolaire « résistent avec des réactions d’anxiété ou de panique très vives quand on essaie de les contraindre à prendre le chemin de l’école », observe le docteur Laelia Benoit, pédopsychiatre à la Maison de Solenn (hôpital Cochin, Paris). Loin de la fainéantise ou du caprice, ce trouble, également nommé par les psychiatres refus scolaire anxieux, concernerait aujourd’hui 1 à 5 % des élèves du CP jusqu’à la terminale. Les symptômes, particulièrement impressionnants, disparaissent généralement les week-ends et pendant les vacances scolaires.

« A l’heure actuelle, dans les classifications psychiatriques, on considère qu’il y a deux types de phobie scolaire, précise le docteur Benoit. Le premier est associé à l’angoisse de séparation vis-à-vis des parents. Le second s’apparente plutôt à de la phobie sociale, c’est-à-dire la peur du regard des autres, la crainte d’être confronté à leur jugement. C’est ici que l’on classe aussi les autres causes, comme les violences, le harcèlement et toutes les questions liées à l’environnement scolaire. » Il pourra s’agir, par exemple, d’un adolescent qui craque sous la pression des résultats à l’approche du bac ou d’une orientation importante. L’origine peut aussi être dépressive et se manifester par un désintérêt et un rejet total de l’école.

Rester à l’écoute
Face à un enfant qui pleure et supplie pour rester à la maison, la première chose à faire est d’être à l’écoute et d’essayer de comprendre. Le forcer à aller à l’école sans organiser de suivi ne fera qu’empirer les choses. Il faut chercher à en savoir plus : que s’est-il passé ? Un souci avec un enseignant, un problème de harcèlement avec des camarades, de mauvaises notes ? « Le deuxième point, poursuit le docteur Benoit, c’est de consulter son médecin généraliste pour s’assurer que le malaise n’est pas d’origine somatique. Souvent, les adolescents très fatigués et fragilisés peuvent être tout simplement anémiés. » Le généraliste est aussi celui qui pourra mettre au jour d’éventuelles situations de violence, même au sein de la famille. Enfin, il déterminera s’il y a lieu ou non d’adresser l’enfant à un pédopsychiatre, à un centre médico-psychologique (CMP) ou à un centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) pour un suivi régulier. Parallèlement, les parents devront prendre contact avec l’établissement pour expliquer la situation.

Perte de confiance
« Quand le trouble est installé, l’élève perd très rapidement confiance lui, explique le docteur Benoit. Le retour à l’école devra alors se faire dans un climat de bienveillance associant à la fois la famille, l’administration scolaire, les enseignants et le corps médical. Tous les adultes qui entourent l’élève doivent se mettre à l’unisson pour proposer une reprise adaptée et progressive. » Plusieurs dispositifs peuvent être mis en place : le projet d’accueil individualisé (PAI), le service d’assistance pédagogique à domicile (Sapad) ou encore, pour les stades les plus avancés, les soins-études proposés dans le cadre de l’hospitalisation. Dans certains cas, la scolarité à domicile peut aussi être une option. Elle risque cependant de conduire à l’isolement de l’enfant, et la situation doit donc être réévaluée régulièrement avec le pédopsychiatre. L’objectif visé reste toujours, à plus ou moins long terme, de retourner à l’école.

« En matière de phobie scolaire, la prise en charge est longue, compliquée, et demande beaucoup de persévérance, conclut le docteur Benoit. Les parents doivent s’armer de patience et, surtout, éviter de culpabiliser. Ils peuvent eux-mêmes se faire aider par un psychologue et s’adresser aux associations pour échanger avec d’autres parents. » Un soutien précieux, surtout quand la famille n’est pas prise au sérieux par l’établissement, ce qui arrive encore.